/ l'offre de " viande végétale " est en plein essor
En réponse à une demande croissante pour des produits sans viande, l’offre de “viande” végétale est en plein essor – des burgers végétariens qui reprennent la texture, le goût et les avantages nutritionnels de la viande rouge, sans aucun ingrédient d’origine animale. Depuis le lancement de l’Impossible Burger aux États-Unis en 2016, de nombreuses entreprises à travers le monde ont suivi le mouvement. En France, la viande végétale trouve progressivement sa place dans les rayons des surfaces alimentaires. Le marché du traiteur végétal en grande et moyenne surface était évalué à 114 millions d’euros à juin 2021 par Kantar, en hausse de 19,8 %.
La promesse est audacieuse, suscitant la curiosité de tous. Mais comment obtient-on ce résultat si surprenant, et qu’est-ce que cela nous apprend sur le produit ? Cette innovation est-elle vraiment la réponse à une consommation plus responsable, comme on nous l’a dit ?
/ Une imitation parfaite... de la viande industrielle.
Les techniques et les recettes varient, mais une chose est sûre : pour pouvoir reproduire le goût et la texture de la viande en utilisant exclusivement des légumes, il faut une manipulation et une transformation poussées des ingrédients. Ils peuvent être dénués de toute trace de viande. Pourtant, ils ne sont pas naturels.
Aux États-Unis, le pionnier Impossible Burger est à ce jour considéré comme la meilleure “viande” végétale, grâce à son “ingrédient secret” breveté – l’hème. Cette molécule, que l’on ne trouve que chez les animaux, est responsable de la succulence typique de la viande. Grâce au génie génétique, ils ont pu isoler et reproduire la molécule en laboratoire, puis l’injecter dans leurs hamburgers.
C’est pourquoi le résultat est si bon. Aucun autre concurrent ne possède cet ingrédient “hème”, mais ils ont pourtant réussi à créer de très bons burgers en utilisant d’autres astuces, comme la betterave rouge pour se rapprocher de l’aspect rouge et juteux du sang. Sur chacune des différentes recettes, la source de protéines varie généralement entre le soja et les pois, et la graisse provient de la noix de coco ou du canola.
A ces principaux ingrédients, beaucoup d’autres sont ajoutés. La liste des ingrédients de ce type de produits hautement transformés est généralement longue, car ils ont été extraits, isolés, manipulés et réarrangés pour constituer le produit final. Par conséquent, la fausse viande peut simuler un hamburger et d’autres aliments transformés, mais est loin d’être de la “vraie” viande.
/ Les marques de produits végétaux appuient l'effet de surprise sur l'idée d'une consommation plus responsable.
Future, Incredible, Rebel Whopper, Impossible, Beyond – les noms choisis par les marques sont un pari évident sur la fascination exercée par l’innovation. Mais après la première bouchée, la surprise s’estompe et les consommateurs sont en quête de bénéfices plus importants. On observe que la plupart des marques vendent l’idée d’une consommation “meilleure” pour les individus ou pour la planète.
Impossible soutient fièrement qu’avec la consommation de ce type de produit, nous, en tant qu’êtres humains, faisons un pas vers un avenir meilleur. En utilisant l’image d’un astronaute, la marque implique que l’impossible, une chose de science-fiction, est désormais réel. “Sauvez le monde, mangez un burger”, l’un des slogans utilisés, pointe vers une consommation responsable grâce à la technologie créée.
En avril 2019, c’est Nestlé qui se lançait à son tour en présentant son « Incroyable Burger », à base de protéines de soja, dans huit pays européens sous la marque Garden Gourmet. En grande distribution, c’est le groupe Casino qui a été le premier, en janvier 2020, à ouvrir les portes de ses différentes enseignes à la marque américaine, Beyond Meat.
Beyond se définit comme “l’avenir des protéines”, un message qui associe la consommation responsable à l’épanouissement personnel, comme si devenir végétarien faisait de vous une meilleure personne.
Mais c’est Burger King qui a fait le plus de bruit ces dernières semaines au sujet de son Rebel Whopper “100% végétal”, disponible uniquement à São Paulo pour le moment. Dans la publicité, des jeunes gens savourent le Whopper en imaginant qu’il est le même que d’habitude, puis ils découvrent qu’en fait ce n’est pas le cas. Il s’agit d’un défi personnel et d’un coup de pouce pour les végétariens.
Aucune des marques ne déclare explicitement qu’elle est saine, mais beaucoup flirtent avec cette idée à travers l’identité visuelle, dans des messages tels que “100% végétal” et “à base de plantes”, et en utilisant des images de feuilles et de labels verts. Qui n’associe pas les légumes et les plantes à une bonne santé ? Toutes les marques profitent de la bonne réputation que le véganisme a gagné ces derniers temps, étant considéré comme un synonyme de mode de vie sain, avec plusieurs documentaires sur Netflix reprenant cette idée.
Cependant, derrière la communication de la marque, dans quelle mesure ces produits à base de plantes sont-ils réellement responsables et sains ?
/ Pas si bon pour moi, pas si bon pour la planète
Comme nous l’avons vu, Impossible présente cette technologie comme une formidable solution d’avenir. En effet, nous ne faisons que commencer à voir ce type de produit. Aux États-Unis, Just a lancé des œufs brouillés végétaliens qui ressemblent et ont le même goût que les originaux, et investit dans la viande végétarienne de haute qualité. Des millions sont investis, des start-ups fleurissent, de grandes entreprises entrent en jeu. Mais est-ce vraiment la solution idéale pour notre planète ? Nous savons déjà qu’il est crucial de manger moins de viande. Mais ces produits à base de plantes qui tentent de reproduire l’expérience que seuls les produits carnés procurent posent plusieurs dilemmes éthiques, car certains y voient une incitation à passer de la vraie nourriture à la nourriture transformée et artificielle.
Paola Carosella et Rita Lobo, chefs basées au Brésil, ont fait des déclarations fortes sur les réseaux sociaux, soutenant l’idée que “si vous êtes végétalien, vous devriez manger de vrais légumes au lieu d’essayer de reproduire quelque chose qui n’existe pas”. Si nous suivons ce raisonnement, les produits à base de plantes sont un moyen trouvé par l’industrie pour encourager l’achat continu d’aliments industrialisés semi-préparés coûteux, en s’éloignant de la vraie nourriture. Bien sûr, c’est une option végétalienne, mais une option transformée, au lieu d’une chance d’apprendre aux gens à se libérer des produits industrialisés, d’apprendre à cuisiner, de prendre le contrôle de leur propre alimentation.
Les allégations mettant en avant les protéines et leurs qualités nutritives sont une solution au dilemme auquel sont confrontés de nombreux aspirants végétariens, qui craignent de ne pas consommer suffisamment de protéines. Mais la source de la protéine n’est pas toujours clairement indiquée, elle est produite essentiellement à partir du soja et de blé, qui représentent plus des deux tiers de ses ingrédients.
Un avenir plus durable passe non seulement par la réduction de la consommation de viande, mais aussi par des enjeux plus larges, tels que l’éducation de la population à une alimentation consciente, permettant aux gens de cuisiner des repas simples sans avoir à compter sur des aliments impossibles à reproduire à la maison.
/ Les marques de viande végétale doivent être responsables et transparentes
La capacité humaine à réaliser l’impossible est le fait le plus étonnant de ces nouveaux produits de “viande” végétariens. Je suggère de les essayer, comme alternative aux produits sans viande.
Cependant, imaginer que c’est ce que l’avenir nous réserve est plus effrayant que positif. La consommation de ce type d’aliments, comme tout produit alimentaire ultra-transformé, doit être prudente. Lorsqu’on éduque les gens à manger moins de viande, il faut faire un effort conjoint de sensibilisation à l’alimentation et à la cuisine. Pour cette raison, les marques devraient être très transparentes et prudentes avant de prétendre que ces produits sont sains ou durables simplement parce qu’ils sont végétaliens.
– Carmen Beer, Senior Strategist chez CBA B+G